François Curlet
Born: 1967
Paris
Vit et travaille à Bruxelles, et en Camargue
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Curlet
https://www.curlet.org/
Exposition collective : La Tempête -Acte II - François Curlet - 24.03 > 21.05.2018
Exposition collective : La Tempête - François CURLET - 25.11.2017 > 11.03.2018
Exposition collective L’Archipel - 17.10.2014 > 11.01.2015
Tahiti Bob est de retour
La série « Fish Fingers » de François Curlet - dont la souplesse multi standard rappelle à l’artiste la macaronade locale – est issue du projet de peintures sur plaque de cuivre HEAVY META qui combinent selon son expression « la délicatesse du salon avec l’âpreté de la rue » Pour les peindre, il s’est servi d’une chute de presse de métal en guise de pochoir. Utiliser les formes fantômes de la production industrielle pour la vampiriser est une manière pour lui de faire revenir ce qui a été refoulé - les restants des formes découpées, le rebut - sur ce qui a du s’en séparer - la plaque de métal, le résultat - pour pouvoir exister. En projetant l’ombre d’un rejet sur la surface qui l’a rejetée, c’est aussi l’inanité de la peinture conceptuelle contemporaine c’est-à-dire la vanité de son soliloque autocentré qui est ici démontée, étalée et moquée dans un rire nietzschéen.
En face de ses « tableaux », François Curlet a installé deux indications contradictoires d’Antonio Ortega : « Ici vous n’avez pas la permission de parler » et « Ici nous vous recommandons de parler ». Contradictoires mais non contraires puisqu’elles sont comme les deux faces d’une seule et même proposition, le Ying et le Yang d’un « Ici vous êtes chez moi » sous l’autorité feinte de laquelle perce une critique par l’absurde des manières de se comporter en situation artistique.
Exposition thématique : Des constructeurs éclectiques II - 14.03 > 11.05.2008 - Salle N° 6-41
Exposition : Coconutour - 01.02 > 31.03.2003
Coconutour, 2002, sculpture et vidéo couleur, 5’26" , co-production CRAC LR à Sète et le Blac à Bruxelles.
"François Curlet trame les objets réels ou les structures sociales qu’il décrit, de phénomènes matériels, optiques ou auditifs qui troublent leur statut. Ainsi l’on rencontre une cagette de marché réalisée en marqueterie, à la demande de l’artiste, par un ébéniste, un moteur fabriqué en osier par des aveugles, un instrument optique grossissant quelques parties du corps des visiteurs, chaque élément souffre de distorsions particulières dues à des modes de production ou de présentation soigneusement inappropriées. Le réel est mis en doute, laissant place à des fables laconiques."
La Coconut, suite logique de la Cococat qui renvoyait à une animalité domestique, nous bascule littéralement dans un univers de "Robinson urbain". Les proportions de cette installation en font à la fois un objet surdimensionné, à l’échelle d’un mystérieux habitacle dont nous pourrions expérimenter les vertus et une excroissance plastique, dont le statut serait encore à définir, une sorte d’excès visuel propice à la fiction. Annlee witness screen fonctionne, au travers de l’image animée, sur les mêmes modes de rapports réalité/imaginaire. Ce petit film s’inscrit dans une suite d’animations proposées à différents artistes dont chaque épisode construit les aventures d’un personnage/héros : Annlee.
La contribution de François Curlet s’appuie sur l’histoire vraie et condensée d’une expérience d’activité à temps plein suspendue pour une tentative d’écriture de quelques mois. Parenthèse fictionnelle d’une jeune femme se glissant dans l’enveloppe d’un personnage de manga, habitant peu à peu sa nouvelle peau et fournissant ainsi le scénario d’un film où le spectateur devient, le temps d’une projection, activateur de cette narration. Cette interruption du réel pour un moment de fiction nous renvoie directement à "un temps de l’art", à cet instant de suspension où la magie d’une œuvre opère.
Exposition Dialogue Didier Marcel - François Curlet - 10.11.2000 > 14.01.2001
Intitulée "Jachère", la plus grande intervention de François Curlet dans l’espace du centre consiste en le recouvrement des surfaces murales du centre d’art, du sol au plafond, par 1000 m2 de papier peint reprenant, imprimés, les motifs abstraits des célèbres " tests de Rorschach" conçus par le psychiatre du même nom.
Ce recouvrement agit simultanément à plusieurs niveaux ; tout en reprenant formellement l’opposition public/privé, (le côté domestique du papier peint s’opposant au caractère éminemment public du lieu, et notamment à son imposant volume), la nature des motifs imprimés suscite, elle, un ensemble de réflexions ayant trait à la nature de l’image et de son interprétation.
Les motifs imprimés sur le papier, les dix planches des tests d’ Hermann Rorschach, suggèrent en effet une incertitude quant à ce qui est "à voir". L’histoire de l’abstraction en art est, fondamentalement, l’histoire d’une progression vers le concret - le tableau ou l’objet créé ne figurant rien d’autre que sa propre réalité. Une histoire culminant notamment dans les célèbres déclarations du peintre Frank Stella affirmant que "tout ce qui peut être vu est là" (sur la toile). Mais l’utilisation de ces motifs très particuliers que sont les planches de Rorschach contrarie cette intention. Destinés précisément à évoquer des images sans les représenter, les tests du psychiatre suisse sont en un sens une dénégation de la dimension concrète de l’abstraction. Avec ces images, et le protocole d’interprétation qui les accompagne, le "là" de Stella devient une notion très problématique. Car qu’est-ce qui est "là" ? "L’" est-il vraiment tapissé sur les murs du centre d’art, ou est-ce une projection de l’esprit du visiteur sur ces mêmes murs ? "Là" est-il dans notre esprit, ou bien est-il consigné dans ce livret, reproduisant les critères normatifs d’évaluation psychologique des images suscitées par ces mêmes motifs ?
Qui plus est, à l’incertitude du lieu de l’image vient s’ajouter celle du moment de son apparition. En répétant indéfiniment les mêmes motifs, François Curlet accroît d’autant plus la probabilité que de nouvelles images émergent pour le regardeur. L’expérience induite par la répétition n’est plus seulement celle du lieu de l’image, mais de son événement : est-ce que ce que je vois est toujours "la même chose" qu’auparavant ? Les motifs imprimés, dans leur répétition hypnotique, apparaissent et se défont dans le temps aussi bien que dans l’espace, comme autant d’échos du subconscient. Un jeu sur le même et l’autre vient ainsi se surajouter à celui sur la présence/absence paradoxale des images, rendant variable leur signification, voire leur existence-même.
Le titre de l’oeuvre - "Jachère" - renvoie quant à lui aux attentes du public envers l’exposition ; comme si la surface recouverte était laissée en "jachère" - un terrain qu’il appartiendrait au visiteur de cultiver, faisant croître autant d’images qu’il est possible à partir de chaque motif. La proposition matérialise littéralement l’affirmation de Marcel Duchamp selon laquelle "ce sont les regardeurs qui font les tableaux". Le même Duchamp qui affirmait que "faire, c’est toujours choisir". Et comme Bartleby, le flegmatique héros de la nouvelle d’Herman Melville, François Curlet choisit précisément de ne pas faire et de laisser faire le regardeur. Si ce dernier hésite sur le sens à donner aux images se formant dans son esprit, il pourra toujours se rapporter à l’extrait du manuel de "cotation des formes dans le Rorschach" reproduit dans ce livret ; choisi par l’artiste, ce texte fait à ce titre partie intégrante de l’exposition, et vient rappeler une des fonctions les plus essentielles des lieux de monstration de l’art, qui est de baliser l’interprétation, d’arrêter le sens des objets exposés dans son enceinte, d’imposer une signification ou une lecture univoque (en l’occurrence, "la bonne") à ce qui est exposé.
A la lecture de ce manuel d’interprétationdes réponses au test de Rorschach, il est très sensible que ce qui est recherché par le corps psychiatrique, c’est l’établissement d’une norme scientifique objective de l’interprétation, et d’une hiérarchie entre les bonnes et les mauvaises réponses (autrement dit encore : entre les normales et les pathologiques). Cette question de l’objectivité de l’interprétation des images en psychiatrie - la question de sa scientificité, ou non - entre en résonance avec la question de l’objectivité de l’interprétation iconographique et iconologique en histoire de l’art. Le présupposé fondamental de l’iconologie, mode dominant d’interprétation en histoire de l’art, est que les oeuvres expriment des essences qui sont leur contenu véritable, qu’elles ont une signification profonde et univoque qu’il s’agit de découvrir (une tâche que les musées et les institutions artistiques de tous ordres prennent ordinairement en charge). Toute l’installation de François Curlet choisit au contraire de laisser cette interprétation ouverte, de susciter des images ou des questions sans réponses, tout en faisant apparaître a contrario la fonction normative du cadre institutionnel. Car au même titre que nous sommes parlés (par le langage) autant que nous (le) parlons, - nous sommes vus (par les images) autant que nous (les) voyons : le contexte du centre d’art informe notre perception au même titre que le langage structure intrinsèquement notre manière de penser. Et c’est précisément cette fonction normative du dispositif muséal que pointe François Curlet dans "Jachère", en faisant porter l’attention sur sa nature de dispositif interprétatif.