Surfaces Polyphoniques

Exposition

Du 4 février au 26 mars 2006

Commissariat : Noëlle Tissier

Malgré son habit aux formes multiples, on se souvient qu’Arlequin, de retour de la lune, défendit son unicité devant un parterre d’incrédules. Tout chez lui symbolise le multiple, la diversité, la pluralité. Tout comme lui, il serait vain aujourd’hui de nier à la peinture son extrême polyvalence et sa variété. Plus qu’une vanité, ce serait un contresens que démentirait formellement la prochaine exposition présentée au CRAC de Sète.

Non contente d’en montrer la vitalité, Surfaces polyphoniques offre au spectateur un certain nombre d’indices permettant d’identifier les préoccupations de la peinture contemporaine.
Les neufs artistes invités - issus de trois pays, la Suisse, l’Allemagne et la France - ont en commun de proposer des abstractions irriguées par une approche du réel, de notre environnement quotidien. Tour à tour, les œuvres de l’exposition empruntent au graphisme, au design, deviennent décoratives ou se jouent de leur capacité de séduction. Si les artistes présents prennent pleinement en compte leur époque, ils n’en assument pas moins l’héritage du passé en réinvestissant certaines voies modernes. Il faudrait ajouter que "les surfaces" dont il est question n’échapperont pas à la singulière hétérogénéité de l’exposition, re-présentées planes et sculpturales. Et si un certain nombre d’artistes, parfois musiciens, travaillent avec le son ce ne sera pas dans cette exposition car il faut plutôt entendre par "polyphonies" les capacités de rayonnement de leurs peintures, dont la résonance a en effet l’attrait de sonorités multiples. Surfaces polyphoniques offre un espace d’écoute à la "mondélisation" active et intensive d’une peinture abstraite contemporaine multiforme.

Martial Déflacieux

À propos des œuvres exposées

Daniel Pflumm
Dans le cadre de Surfaces polyphoniques, Daniel Pflumm présente des sérigraphies sur aluminium, des caissons lumineux et une vidéo intitulée Berlin (2005).

“En récupérant des logos existants issus de notre environnement quotidien, des films d’entreprise ou publicitaires, il semble imiter les tâches d’une agence de communication ou de graphisme, comme on duplique un programme informatique, mais en “libérant les formes” produites par l’univers du marketing. Daniel Pflumm produit des objets dont la caractéristique première est d’apparaître détourés, dans un espace flottant qui relève à la fois de l’art, du design et du marketing publicitaire. Les logos capturés sont remis en semi-liberté, et, ainsi débarrassés de la marque qu’ils supportent habituellement, viennent se confronter à la mémoire de la modernité. Chez Pflumm, la publicité et le marketing deviennent des “freewares” que les usagers peuvent améliorer par eux-mêmes, à l’image de Linux en informatique.(…)
Pflumm ne se contente donc pas de pirater les codes existants, il construit des montages d’une grande richesse formelle. D’un subtil constructivisme, ses œuvres sont travaillées par la recherche d’une tension entre la source iconographique et la forme géométrique et abstraite. On pourrait parler à son sujet d’une véritable esthétique tertiaire, retraitant la production et générant du service, de l’itinérance, à l’intérieur des protocoles culturels. (…) Le travail de Daniel Pflumm, artiste, pourrait aussi se définir comme le développement d’une agence de retraitement des formes qui puisse être aussi efficace dans la communication de ses messages que n’importe quelle entreprise spécialisée. Avec son label Elektro, Pflumm dispose de réels moyens de production ; quant à la complexité de ses références (abstractions historiques, pop art, iconographie des flyers, vidéoclips, culture d’entreprise) va de pair avec une grande maîtrise technique, ses films étant plus proches de la qualité en vigueur dans l’industrie du disque que de la vidéo d’art. C’est là une manière de brouiller la source du message – une technique de camouflage. S’agit-il de matériel promotionnel, d’art abstrait, de vidéoclips, d’une chaîne de télévision pirate ? Le projet de Daniel Pflumm consiste avant tout à effacer les traces de l’art comme lieu d’émission des signes.”*

Daniel Pflumm - Sans titre 2001 - 2005 - Daniel Pflumm - Sans titre 2001-2005

Les lightboxes exposées sont autant de réminiscences visuelles d’objets déjà vus sans avoir été réellement regardés, de signes reconnus sans être connus. Ainsi reconnaît-on le logo bleu-blanc-rouge d’Air France, et immédiatement, sans que le nom de l’entreprise ne soit cité, vient à l’esprit le message associé à Air France, sans que l’on sache exactement comment on le connaît.

Par ce processus Daniel Pflumm met en relief la force de persuasion de l’imagerie publicitaire et de ses codes, et son impact sur notre inconscient. Une simple association de formes et de couleurs est immédiatement associée à certaines qualités ou valeurs que la marque veut nous transmettre. D’autres œuvres reprennent ces codes, pour former de nouveaux « logos », dont la simplicité plastique étonne par son efficacité visuelle. L’artiste suisse reprend ici le thème cher aux artistes du Pop Art, en particulier à Andy Warhol, du détournement des signes de la communication visuelle et de la mise en valeur de leur qualité esthétique.

“Une grande part de mon travail prend forme en réfléchissant diverses réalités. L’une de ces réalités est mon environnement immédiat. Il y a de nombreuses personnes actives autour de moi, avec des projets et des intentions admirables.
Le quartier de Mitte à Berlin offrait, par exemple, un incroyable degré de liberté dans les années 90. Une autre part importante de ce contexte est la réalité de la télévision, très importante dans mon travail vidéo, et le monde de la musique, cette société qui a ses propres règles, son propre droit, comme un système semiperméable.”**

*Extrait du texte de Nicolas Bourriaud dans le catalogue Pflumm Private, réalisé à l’occasion de l’exposition de Daniel Pflumm au Palais de Tokyo, site de création contemporaine, Paris (12/02 - 28/03/2004)
**Daniel Pflumm, Flash Art, n°209, 1999, p. 78

Mathieu Mercier
Dans l’exposition Surfaces polyphoniques, Mathieu Mercier présente un ensemble d’œuvres qui ne sont pas sans évoquer les objets hétéroclites des rayons bricolage du supermarché : une table rectangulaire en aluminium surmontée de deux volumes cylindriques en rotation grâce à une courroie en caoutchouc (Sans titre, 2004), une horloge constituée de tubes de néon standard (Horloge fluos, 2001). Une peinture abstraite, (Sans titre 2003), de forme circulaire représente la construction éclatée en facettes multiples du diamant.

“Délibérément inclassable, refusant de se figer dans un statut ou une catégorie, Mathieu Mercier est le pur produit d’une génération d’artistes qui répugne à se laisser enfermer dans une quelconque mouvance. Ambivalent, flirtant avec l’architecture, le design, les stéréotypes de la modernité et la laideur ambiante, son travail échappe aux tentatives de ceux qui aimeraient pouvoir le réduire à une interprétation unique. Radicalement atypique, sa démarche revendique une fluidité des modes de réflexion, comme des pratiques. La sculpture, l’installation, la peinture sont autant de moyens utilisés pour servir un propos qui passe par la série et l’épuisement d’une forme ou d’une référence. Mathieu Mercier convoque aussi bien Rietveld, Mondrian, que le bricolage du dimanche, le néon, la chaise en plastique de jardin, la construction préfabriquée, le tout lui permettant de réexaminer notre environnement quotidien et d’interroger la culture sous toutes ses formes, sans jamais prendre position.
Lorsqu’il reconnaît que le supermarché, au même titre que le musée, est aujourd’hui un outil de connaissance du monde, Mathieu Mercier ne tient pas particulièrement à provoquer, mais pose un simple constat.
Plus proche des artistes conceptuels des années 1970 que du ready made ou du pop art, il met en œuvre des formes souvent “dévoyées”, dont le détournement, à lui seul, demeure énigmatique. C’est le cas d’une série de peintures circulaires (…) dont les motifs géométriques rappellent la taille d’un brillant :
“Au début, il s’agissait de faire une peinture géométrique inscrite dans un cercle, dont l’organisation était de l’ordre du kaléidoscope, dit-il. Mais, au final, c’est également la représentation d’un diamant avec toute sa valeur symbolique.”

Remerciements aux artistes, Galerie Almine Rech, Galerie Chez Valentin, Galerie Les Filles du Calvaire, Galerie Mehdi Chouakri, Galerie Neu, Galerie Nathalie Obadia, Galerie Thaddaeus Ropac

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Vue de l’exposition « Surfaces polyphoniques », 2006, Crac Languedoc-Roussillon, Sète. Stéphane Dafflon, « PM043 », 2005, peinture murale et Delphine Coindet, « 1x1x1 », 2005, médium laqué, 100 x 100 x 100cm. Photo : André Morin.

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Vue de l’exposition « Surfaces polyphoniques », 2006, Crac Languedoc-Roussillon, Sète. Daniel Pflumm, Sans titre, 2004, sérigraphie sur aluminium, 122 x 284 x 5,5cm, courtesy Neu Galerie, Berlin et Mathieu Mercier, « Horloge de fluos », 2001, néons, horlogu automatique, programmateur, courtesy Galerie chez Valentin, Paris. Photo : André Morin.

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Vue de l’exposition « Surfaces polyphoniques », 2006, Crac Languedoc-Roussillon, Sète.

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Vue de l’exposition « Surfaces polyphoniques », 2006, Crac Languedoc-Roussillon, Sète. Pascal Pinaud, « Fiat Panda Shopping », 1998-1999, « Lemon Green Volkswagen », 2004, laque automobile sur tôle, papier adhésif et vernis, 175 x 110 x 8 cm, courtesy Galerie Obadia, Paris, « Smart City », 1999-2004, laque automobile sur tôle, papier adhésif et vernis, 175 x 110 x 8 cm, courtesy Galerie Issert, Saint-Paul de Vence et Dominique Figarella, Sans titre, 2005, débouchoirs, tirages numériques, peinture sur aluminium, 260 x 290 x 10 cm, courtesy Galerie Ruzicska. Photo : André Morin.

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Vue de l’exposition « Surfaces polyphoniques », 2006, Crac Languedoc-Roussillon, Sète. Pascal Pinaud, « Moulins à prières », 1997, technique mixte, 136 x 166,5 x 49,5 cm, Collection FNAC, Paris et « Mildred Ford », 2000, laque automobile sur tôle et vernis, 175 x 110 x 8cm, courtesy Galerie Issert, Saint-Paul de Vence. Photo : André Morin.

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Vue de l’exposition « Surfaces polyphoniques », 2006, Crac Languedoc-Roussillon, Sète. Anselm Reyle, Sans titre, 2006, 234 x 199 x 20 cm, courtesy Galerie Almine Rech, Paris. Gerwald Rockenshaub, Sans titres, 2004 et 2002, feuille d’alucore sur châssis aluminium, 150 x 120 cm, courtesy Galerie Thaddaeus Ropac, Paris. Photo : André Morin.

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Vue de l’exposition « Surfaces polyphoniques », 2006, Crac Languedoc-Roussillon, Sète. Philippe Decrauzat, Sans titre, 2006, peinture murale, barres acier. Photo : André Morin.

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Vue de l’exposition « Surfaces polyphoniques », 2006, Crac Languedoc-Roussillon, Sète. Pascal Pinaud, « Socle », 1995, tapis, dimensions variables, courtesy Galerie Obadia, Paris, « Écran n°3 » et « Écran n°5 », 2000, tirages numériques sur toile et armature aluminium, 270 x 180cm, courtesy Galerie Obadia, Paris. Photo : André Morin.

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Vue de l’exposition « Surfaces polyphoniques », 2006, Crac Languedoc-Roussillon, Sète. Pascal Pinaud, « Les Palissades », 2002, acier galvanisé sur socle béton et cartons d’invitations, courtesy Galerie Obadia, Paris et « Fiat Panda Shopping », 1998-1999, laque automobile sur tôle, papier adhésif et vernis, 175 x 110 x 8cm, courtesy Galerie Obadia, Paris. Photo : André Morin.

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Vue de l’exposition « Surfaces polyphoniques », 2006, Crac Languedoc-Roussillon, Sète. Daniel Pflumm, Sans titres, caissons lumineux, courtesy Neu Galerie, Berlin : 2005, 68 x 95 x 17 cm, 2001, 97 x 105 x 17 cm, 2005, 100 x 87 x 16,3 cm et 2005, 85 x 85 x 17 cm. Photo : André Morin.