… Philippe Ramette …

Exposition

Du 8 juillet au 2 octobre 2011

Commissariat : Noëlle Tissier

Exposition monographique de Philippe Ramette & interventions sur le domaine sonore de Denis Savary, en complicité avec l’artiste.

… Philippe Ramette …

Conçu comme l’acte 2 de l’exposition Gardons nos illusions présentée en 2008 au MAMCO à Genève, le projet spécifique de Philippe Ramette au Centre Régional d’Art Contemporain à Sète associe un ensemble conséquent d’œuvres créées spécialement pour l’exposition à un choix d’œuvres existantes. À travers un projet surprenant faisant la part belle à la sculpture et aux installations, Philippe Ramette s’aventure là où on ne l’attend pas, en explorant de nouveaux territoires avec la poésie et la justesse qui lui sont propres.

L’ artiste nous dévoile son univers renversant, dans le parcours d’un funambule, entre équilibre et déséquilibre, qui questionne le cheminement de l’artiste comme celui de tout un chacun, toujours sur le fil, pris entre chute et ascension, entre contemplation rationnelle et irrationnelle, entre apparition et disparition.

En parallèle à l’univers visuel qu’il déploie dans les espaces du CRAC pour son projet monographique, Philippe Ramette invite l’artiste suisse Denis Savary. À partir d’interventions singulières, Denis Savary transformera l’ensemble du bâtiment en un instrument monumental qui fera écho aux propositions de Philippe Ramette, en intervenant sur la perception physique et sensorielle des œuvres et des espaces. Le projet facteur d’orgue de Denis Savary est réalisé en collaboration avec le Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon.

…PHILIPPE RAMETTE… visite guidée…

Le projet de Philippe Ramette au Centre Régional d’Art Contemporain à Sète est directement lié au regard de l’artiste stimulé par son exposition Gardons nos illusions qui a eu lieu en 2008 au MAMCO à Genève.
Cette exposition au parfum rétrospectif a notamment motivé l’émergence de nouvelles propositions. Dans ce contexte, l’invitation à Sète n’est pas anodine, outre les amitiés que l’artiste y tisse depuis de nombreuses années, se mesurer à l’échelle et à la densité exceptionnelles du CRAC ouvre des perspectives à la hauteur du défi à relever.

…PHILIPPE RAMETTE… marque un passage, un prolongement de l’œuvre qui vient s’enrichir de sculptures surprenantes et de points de vue inédits. Avec la complicité de Denis Savary, ce projet se présente comme un parcours ouvert à de multiples interprétations où le fantastique côtoie des situations du quotidien. Suspendue dans les airs, une ligne court et traverse l’espace des deux premières salles d’exposition. Cette pièce pourrait s’imaginer en extérieur. Entre autres métaphores, les funambules que nous sommes (en permanence sur le fil), empruntent avec plus ou moins d’acuité le chemin sinueux de la vie. Bien que l’équilibre soit précaire, que l’élévation suppose la possibilité d’une chute, la promenade intime une errance poétique, un regard décalé sur le monde. Au péril de l’espace souffle un sentiment de liberté, voulu malgré le déterminisme universel.

Au fantasme de l’apesanteur répond dans la salle suivante le vertige du vide. Philippe Ramette s’est approprié concrètement l’espace en intervenant sur l’architecture du lieu. Le mirage se produit par simple distorsion. En élargissant l’angle de vue, la surface construite semble se dilater, les perspectives s’accentuer, ce qui modifie et perturbe de manière significative la perception. Si le regard se heurte dans un premier temps au volume vide de la sculpture, l’inversion produite amène à une autre réalité, nous plonge de l’autre côté du miroir. Il y a là un mystère proche du rêve d’Alice dans son pays des merveilles, les images se superposent et font vaciller la réalité, tout change tout le temps. L’œuvre joue sur la frontière indécise du familier et de l’étrange, en impliquant physiquement le spectateur. La fiction se construit sur le mode du rêve éveillé comme souvent dans le travail de Philippe Ramette. Les visions se mettent en forme, le monde est un champ d’action qui suppose une éventualité subjective. Dans l’intervalle entre passé et futur, la sculpture La traversée du miroir s’empare du regard, nous regarde et se trouve investie elle aussi d’une réalité quasi-magique en dépit de la rationalité effective des images. L’intemporalité du miroir fascine tout comme le double symétrique réfléchi. Dans le face à face, le simple écho révèle une altérité radicale à laquelle nous nous identifions, vérité de notre propre figure. Paradoxalement par effet de projection, la « sculpture de soi » met à distance en même temps qu’elle permet de s’approprier son « exposition ». À proximité, l’histoire se vérifie, Éloge de la clandestinité (hommage à la résistance), explore la question du double, dissimulation dans l’apparence du portrait. À l’inverse des photographies antérieures, le dandy entend ici se fondre dans la foule, passer dans l’anonymat, matérialisant l’idée d’une pause ponctuelle par rapport au travail passé. Le visage n’est pas vraiment reconnaissable, comme si la vie pouvait être différente de ce qu’elle a pu être. En référence à un combat, le titre rend l’initiative à l’individu et pointe la nécessité de l’action. Celle où il s’agit de s’emparer de sa situation historique pour faire/être face à sa responsabilité. Et bien que l’image fasse office « d’enveloppe protectrice », l’implication exige un dépassement de soi. Autant de contradictions qui apparaissent ostensiblement dans le Portrait tragi-comique et la Sculpture qui erre. À l’hyperréalisme de l’un répond la silhouette furtive de l’autre. Philippe Ramette s’est exercé au mélange des genres en réunissant sur un même faciès deux sentiments opposés, le rire et le pleur. Incongrue, « l’expression » impossible à tenir met en scène un dérèglement des sens proche de la folie et condense l’irrationalité des réactions humaines. Les hommes jouissent et pâtissent d’exister, rien de pacifiant ou de consolateur dans cette représentation pourtant burlesque, qu’accentue un strabisme divergent. Dans ce théâtre de l’absurde, le rire est souvent associé au doute, la Sculpture qui erre en est la métaphore. Les yeux cachés et le bras tendu, l’homme en noir tâtonne, le chemin semble plus important que la découverte. Il continue d’avancer sans voir et sans savoir, à l’instar des enfants qui inventent des jeux pour surmonter leur peur. Vertu curative du jeu qui passe de la nécessité à la liberté, de la peur au plaisir.

Le passage se fait ici vers l’Espace d’anticipation. L’œuvre a tous les attributs d’une salle d’attente, bancs inconfortables alignés, horloge, lumière froide. D’esthétique austère, l’ensemble renvoie aux normes sociales et culturelles. Invité à s’asseoir, le spectateur peut choisir d’expérimenter l’installation et décider ce qu’il en fait. La règle du jeu est induite par le dispositif, la suspension du temps présumée par l’attente, propice à l’ennui et à l’introspection, plaide pour l’errance de la pensée, alors qu’en parallèle est rendu accessible le spectacle dont on fait parti sans forcément le voir. Un moyen, en toute humilité, de se confronter aux relations au pouvoir et à la possibilité de se libérer de ces relations, en l’occurrence par une activité « non productive », d’anticipation, et par une distance essentielle. Les événements à venir sont suggérés par la Sculpture déboulonnable, dernière pièce présentée au rez-de-chaussée du centre d’art. Il s’agit de la représentation sur socle d’un personnage méconnaissable, en attente de visage, à la tenue un tant soit peu dictatoriale. La particularité du prototype vient surtout du fait qu’un pré-cassage a été opéré au point le plus fragile, en vu d’un éventuel déboulonnage. En contradiction avec la nature pérenne de ce type de statue, l’œuvre témoigne clairement du caractère précaire et transitoire de la vie, soumise à la fuite du temps, et de la résistance possible au pouvoir. La figure de domination portée par l’histoire ou par la possibilité d’une histoire, devient sur fond de drame latent, symbole d’une libération potentielle. Par un système mécanique simple, Traits d’union fait le lien entre différents espaces de l’exposition. Conçus par Philippe Ramette et Denis Savary, plusieurs de ces objets traversent les cloisons et les niveaux et invitent qui le souhaite à échanger l’intimité d’une parole sans forcément savoir qui se trouve à l’autre extrémité du dispositif. Un des Traits d’union relie le rez-de-chaussée à l’étage, où se trouvent deux œuvres « provisoires », du moins dans l’esprit.

L’ombre de moi-même étale au sol la silhouette de l’artiste « disparu », dont la dépouille se résume à un costume vide. Sa présence est totalement irréelle, puisque aucun corps n’arrête la lumière alors même qu’il se mesure à son ombre. Outre qu’elle ouvre à toutes les fantasmagories, l’image renversée rappelle qu’il est question dans cette exposition de mettre en discrétion la figure récurrente et emblématique de l’homme en costume. La Sculpture sécable participe a priori du même souci ; éphémère, elle préfigure en effet un corps « médicament », sécable lui aussi et a fortiori soluble. Un peu plus loin l’habit se transforme en Marionnette. Cette pièce fait partie des objets prothèses produits par l’artiste dans les années 1990 où priment l’idée de leur possible utilisation et de leur effet en terme de transformation mentale. Un procédé consenti pour chercher à se posséder dans l’extrême aliénation, en opposant puissance vitale et force mortifère. En face, quelqu’un semble se cacher comme il peut, des pieds dépassent d’un rideau blanc. On peut voir en s’approchant que derrière son camouflage, la personne regarde qui arrive (Sans titre, le voyeur). L’humour et l’absurdité de la scène s’inspirent du film de Terry Jones, Monty Python : La vie de Brian. À nouveau, il est question de quiproquos, de naïveté et de leurre, de décalage entre humour et peur, pour s’en prendre aux croyances aveugles et aux conditionnements. L’incitation au déplacement, est également sous-tendue par la pièce sonore imaginée par Denis Savary, qui appelle les visiteurs à envisager l’ensemble de l’exposition comme un décor (de cinéma), créant ainsi l’ambiance d’une scène passée ou à venir. L’enregistrement du travail d’un facteur d’orgues et de son assistante livre un mélange de sons minimaux et de conversations difficilement compréhensibles puisqu’elles reposent sur un code de langage inventé par les deux complices pour plus d’efficacité dans leur tâche. L’orgue, à l’image d’un dirigeable, propose le « tour de l’exposition en 80 minutes » et entre en résonance avec les propositions de Philippe Ramette.

Davantage que des représentations, les situations mises en scène induisent des comportements. Les scénarios imaginés sont autant de méditations sur le mystère irrésolu de la vie. Dans ce voyage, le réel perd sa réalité pour que l’irréel se réalise, passer de l’autre côté devient dans le travail de Philippe Ramette, un fait de conscience, en d’autres termes un moyen de devenir le héros de sa propre vie

Céline Mélissent

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Vue de l’exposition « …PHILIPPE RAMETTE… », Philippe Ramette, Crac Occitanie à Sète, 2011. « Sans titre (la silhouette) », 2011, sculpture en résine polyester peinte, courtesy Galerie Xippas (Paris), production Crac. Photo : Marc Domage.

Artistes exposés

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Vue de l’exposition « …PHILIPPE RAMETTE… », Philippe Ramette, Crac Occitanie à Sète, 2011. « Sans titre (le funambule) », 2011 et « Trait d’union », 2011, sculpture en cuivre et polyester, courtesy Galerie Xippas (Paris), production Crac. Photo : Marc Domage.

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Vue de l’exposition « …PHILIPPE RAMETTE… », Philippe Ramette, Crac Occitanie à Sète, 2011. « Sans titre (le funambule) », 2011, courtesy Galerie Xippas (Paris), production Crac. Photo : Marc Domage.

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Vue de l’exposition « …PHILIPPE RAMETTE… », Philippe Ramette, Crac Occitanie à Sète, 2011. « Espace Fish eye », 2011, installation, production Crac. Photo : Marc Domage.

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Vue de l’exposition « …PHILIPPE RAMETTE… », Philippe Ramette, Crac Occitanie à Sète, 2011. « Portrait tragi-comique », 2011, sculpture en silicone, résine polyester, résine acrylique et cheveux, courtesy Galerie Xippas (Paris) ; production Crac. Photo : Marc Domage.

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Vue de l’exposition « …PHILIPPE RAMETTE… », Philippe Ramette, Crac Occitanie à Sète, 2011. « Sans titre (le funambule) », 2011 et « Sculpture déboulonnable », 2011, résine peinte, courtesy Galerie Xippas (Paris), production Crac. Photo : Marc Domage.

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Vue de l’exposition « …PHILIPPE RAMETTE… », Philippe Ramette, Crac Occitanie à Sète, 2011. « Sculpture déboulonnable », 2011, résine peinte, courtesy Galerie Xippas (Paris), production Crac. Photo : Marc Domage.

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Vue de l’exposition « …PHILIPPE RAMETTE… », Philippe Ramette, Crac Occitanie à Sète, 2011. « Éloge de la clandestinité (Hommage à la Résistance) », 2011, photographie couleur, courtesy Galerie Xippas (Paris). Photo : Marc Domage.

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Vue de l’exposition « …PHILIPPE RAMETTE… », Philippe Ramette, Crac Occitanie à Sète, 2011. « Sculpture sécable », 2011, résine peinte, courtesy Galerie Xippas (Paris), production Crac. Photo : Marc Domage.

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Vue de l’exposition « …PHILIPPE RAMETTE… », Philippe Ramette, Crac Occitanie à Sète, 2011. « Sans titre (marionnette) », 2007, sculpture en bois, corde et cuir, courtesy Galerie Xippas (Paris). Photo : Marc Domage.