Sigurdur Arni Sigurdsson
Born: 1963
Akureyri, Islande.
Il vit et travaille à Reykjavik, Islande et à Paris.
Sigurdur Arni Sigurdsson est né en 1963 à Akureyri, en Islande. Il vit et travaille à Reykjavik, Islande et à Paris. Il est représenté dans le nombreuses collections : plusieurs Musées Islandais dont le Musée National d’Islande et le Musée de la Ville de Reykjavik, et institutions françaises tels que le FNAC, différents FRACS, Ville de Paris. Il a représenté l’Islande à la Biennale de Venise en 1999.
CORRECTIONS
Le passé est rempli d’erreurs. Le passé est faux.
Dans une petite ville étrangère, inconnue, au début du siècle. Un jeune homme, costume trois-pièces, chapeau sur la tête et une canne qu’il laisse pendre de sa main, descend du tramway. Il se promène sur le trottoir ensoleillé, envahi par la foule - des gens occupés à faire quelque chose que tout le monde a maintenant oublié - et il aperçoit un chapeau qu’il reconnaît ; un grand chapeau de femme qui fait battre son cœur. C’est Elle. Le pas de l’homme devient hésitant, pourtant il se précipite et la suit. Elle disparaît lorsqu’elle passe au coin d’une rue et il se trouve en face d’un vieux couple qui lui dit bonjour. Il est obligé de partager leur conversation et se montre d’une patience exemplaire pendant que la canne oscille entre ses mains. Pendant que Madame bavarde, il regarde son ombre. La canne est son balancier, le cœur son horloge, le soleil brille dans le midi de sa vie et son ombre se dédouble lorsque Madame prend son bras et l’invite à déjeuner. Il accepte. Ensemble ils entrent dans un lieu ombragé où la fille du couple attend à table, se lève et les salue ensuite. Pendant qu’ils mangent des saucisses d’un plat local, il lorgne la fenêtre cherchant un chapeau. Quand ils ont fini de manger, ils se disent des au-revoir pendant un moment sur le trottoir et il voit que son ombre s’est rallongée, qu’elle s’étire sur la rue où une roue de calèche lui traverse le cou. Par courtoisie, il accepte d’accompagner la fille sur une partie de son trajet. Sur une esplanade, il aperçoit de nouveau le chapeau. Ils marchent vers Elle dont l’ombre caresse un bref instant les chaussures brillantes de l’homme. Les battements de son cœur descendent une ruelle et l’homme disparaît de notre vue avec la fille. Ils passeront soixante ans ensemble.
Leur mariage fut malheureux. Leur fille devint médecin mais elle aurait aimé avoir appris le chant. Le passé est rempli d’erreurs. Le passé est faux. Le présent est le résultat des mauvaises causes. Le futur est le mauvais résultat des mauvaises causes. Ces erreurs, Sigurdur Arni Sigurdsson a entrepris de les corriger. Dans ses "corrections" il se sert surtout de photos trouvées, de cartes postales oubliées ou perdues, retrouvées dans des boîtes et des malles, dans des magasins d’occasions, aux puces, partout en Europe. Dans cette foule de cartes, il a rendez-vous (comme Duchamp l’a dit) avec celles qui demandent le plus pertinemment d’être corrigées. Celles qui ont quelque chose de distinctement "faux". Peut-être l’image elle-même, la prise, la lumière ou le sujet lui-même. Peut-être le lieu de la prise était-il "faux". Peut-être la carte a été envoyée d’un ’faux" lieu par une ’’fausse’’ personne, dans un "faux’’ moment, à une "fausse" adresse. Peut-être son "vrai" destinataire se révèle pour la première fois ici.
Sigurdur Arni Sigurdsson prend ces images d’un passé qui est faux, pour les mettre sur le carton blanc de noire présent, pour les mettre dans notre espace pour rallonger les ombres du passé jusqu’à ce qu’elles touchent le présent, pour souligner les erreurs en laissant la "correction" jaillir rie l’image pour s’étaler sur le papier vide.
Ces "corrections" ne sont pas toujours logiques, la plupart du temps elles sont carrément fausses. Or, il s.’agit de corriger ces "faux" résultats des "fausses" causes. Nous essayons de "toujours apprendre de nos erreurs". Peut-être allons-nous réussir à ne pas "commettre les mêmes erreurs", mais nous en ferons d’autres.
Hallgrimur Helgason , 1993 - Traduit de l’islandais par Sigurdur Ingolfsson, 1999.

