Praesentia

Exposition

Du 8 février au 4 mai

Commissariat : Daria de Beauvais et Marie Cozette

Myriam Mihindou est une artiste multidisciplinaire aux registres variés à travers lesquels elle aborde des sujets liés à l’identité, à la mémoire, au langage, au rituel ou à la spiritualité. À l’écoute du vivant et des récits d’autrui, elle crée dans ses œuvres des espaces de réparation et de résilience. Sa pratique pourrait être qualifiée de curative autant que d’artistique.

Au cœur de son travail se trouve le corps, possiblement porteur de blessures individuelles et collectives causées par différentes formes d’assujettissement ou d’assignation. Que la violence subie soit d’ordre intime, social ou politique, l’artiste étudie les mémoires traumatiques qu’elle appréhende dans une logique de soin et de bienveillance.
Elle réalise ses œuvres à partir de matériaux porteurs de charges énergétiques, symboles de guérison et de transmission comme le cuivre, la terre, le coton ou le thé.
Les mots tressés, assemblages qui peuplent l’exposition tels des entités, sont le résultat de gestes rituels qui leur confèrent une puissance de réparation. Myriam Mihindou endosse le rôle d’une passeuse dont la pratique plastique et performative vise à libérer les corps et modes de pensée.
Elle révèle et déjoue des systèmes de domination de la même manière qu’elle secoue et tord les mots de la langue française pour délier la parole de celles et ceux à qui le silence a été imposé.

Praesentia (titre polysémique évoquant présence, puissance et protection) propose une sélection généreuse du travail de Myriam Mihindou des vingt-cinq dernières années, incluant de nouvelles productions. L’exposition présente dessins, sculptures, installations, photographies et vidéos. Elle s’intéresse particulièrement à la manière dont l’artiste assume des fonctions spirituelles et thérapeutiques mais aussi sociales et politiques de l’art. Dans un contexte d’urgence éthique et écologique, le terme « praesentia » fait écho à d’autres rapports au monde, en solidarité avec toutes les formes du vivant.

Une exposition co-conçue avec le Palais de Tokyo
L’exposition s’inscrit dans le sillage de celle qui a été présentée au Palais de Tokyo à Paris (18 octobre 2024 – 5 janvier 2025). Elle a été co-conçue et co-produite en étroite collaboration par les deux institutions dans une logique de mise en commun de moyens, de partage de réflexions et afin de penser la visibilité des œuvres et la vie des expositions dans un temps long.

L’exposition Praesentia à Sète est l’occasion de prolonger l’expérience de l’œuvre de Myriam Mihindou, dans un environnement nouveau, avec un parcours et un accrochage spécifiquement pensés pour les espaces du Crac, par l’artiste et les commissaires, Daria de Beauvais, senior curator au Palais de Tokyo et Marie Cozette, directrice du Crac.

Le parcours de l’exposition

Le parcours débute par le mot Praesentia (2024), sculpté et tressé dans un fil d’aluminium aux reflets bleutés, invitant littéralement à prendre corps dans l’exposition.

Dans la première salle, Videre (2020) est un autre de ces mots-sculptures, en cuivre et verre soufflé. Signifiant « voir » en latin, le mot apparait tel un organe vivant et vibrant, un réseau de fibres et de nervures qui se déploie sur le mur, transforme l’écriture en image et inversement. Récurrent dans le travail de Myriam Mihindou, le cuivre est conducteur d’énergie, mais aussi vecteur de mémoire, en ce sens qu’il rappelle l’histoire de son extraction en Afrique par les
empires coloniaux.
En regard, la série initiée en 2022 intitulée Le Patron consiste en différentes superpositions de papiers trempés dans de l’encre ou du thé, cousus et parfois recouverts de mots. Feuilletages fragiles, les œuvres de cette série peuvent aussi renvoyer aux couches enfouies d’un palimpseste, que l’artiste viendrait ici déplier et reconstituer par différents gestes de marquage et de couture.

Myriam Mihindou se livre à un travail d’archéologie à la fois intime et historique, suggérant dans certaines œuvres des souvenirs traumatiques. La seconde salle de l’exposition nous plonge dans une installation composée de six tables blanches recouvertes de fourchettes en argenterie mêlées à des sculptures en terre crue ou cuite, sur lesquelles on perçoit parfois des empreintes de main.
Intitulée Service (2000 / 2024), cette installation évoque l’emprise du corps, la discipline et la bienséance imposées par les missions dites civilisatrices.

Si la terre est le lieu de l’extraction et de l’exploitation des ressources, c’est aussi là que la mémoire s’inscrit en profondeur : la photographie monumentale intitulée Immatériel (2016) met en scène un rituel de deuil propre au Gabon et à la culture paternelle de l’artiste, dans laquelle les morts sont enterrés avec tous leurs vêtements. Dans l’image composée par Myriam Mihindou, le terrain effondré révèle une strate de vêtements. En produisant une telle image, l’artiste semble se ressaisir d’une généalogie familiale et d’une mémoire enfouie.
Chez Myriam Mihindou, l’acte photographique relève souvent d’un rituel dans lequel corps et matières sont traversés de forces puissantes et invisibles. L’image serait une manière de matérialiser ce qui sur le moment échappe à la compréhension. La photographie intitulée Johnnie Walker appartient à une série emblématique, les Sculptures de chair, initiée en 1999-2000, alors que Myriam Mihindou vit à la Réunion. Chaque matin, elle prend une image de sa main recouverte de signes et d’aiguilles qui transpercent sa peau, comme autant d’épines protectrices. Les deux autres images présentées appartiennent à la série Déchoukaj’ qui a été réalisée en Haïti en 2004, dans un contexte de grand bouleversement politique et de renversement du pouvoir en place. Suite à une violente confrontation avec des milices armées, Myriam Mihindou participe à une transe collective vaudou pour soigner la peur et le traumatisme vécu.

Dans la suite du parcours, deux vidéos mettent en scène le corps de l’artiste dans des postures de contrainte ou d’entrave, qui contiennent leurs propres forces émancipatrices. C’est le cas de la vidéo présentée à l’étage, La robe envolée (2008) : l’artiste filme ses jambes en plan fixe et arrache successivement de nombreux collants superposés, comme autant de peaux, mais aussi de préjugés et de stigmates imposés à son corps et à sa psyché. À travers ce qu’elle nomme une transe-performance, elle procède alors à une mue libératrice.
Folle (2000) est une vidéo projetée aux pieds des visiteurs. Elle impose de regarder en surplomb des pieds qui tentent de dépasser une ligne blanche au sol, au milieu de rires envahissants. Si la transgression des limites et la traversée des frontières imposées peut conduire aux marges de la folie, l’artiste semble retourner le stigmate et faire de cette folie un espace de résistance à l’ordre établi.

Dans la dernière partie du parcours, l’artiste propose différents gestes de soin. Fighting (2018) est l’enregistrement d’une performance réalisée avec plusieurs personnes en Ouganda à l’occasion de la biennale de Kampala. La vidéo montre deux performeuses, en état de transe, luttant avec elles-mêmes afin de trouver un équilibre qui leur permettra de se libérer des traumatismes ayant contraint leurs corps.

Se saisir des entraves pour mieux s’en libérer, c’est aussi ce qui est à l’œuvre dans le travail mené par l’artiste autour des mots, du langage et de l’étymologie. La série des Langues secouées (2015-2021) fait partie de ces gestes de ressaisissement opérés par l’artiste. En creusant le sens des mots, leur sonorité, leur histoire, leur circulation dans le temps, elle réinvente un nouveau langage puissant et poétique. Les mots sont enroulés, déroulés, cousus, recopiés, tressés, tordus, ils sont un corps mutant qui circule dans toutes les strates du vivant.

Le parcours s’achève sur deux grandes installations sculpturales : Fleur de peau (1999 - en cours) est constituée d’une centaine de savons sculptés accompagnés de cires et de petites terres cuites, accrochés au mur par des cordelettes. À la fois fétiches et ex-voto, ces savons portent la mémoire des peaux qu’ils ont effleurées, apaisées et soignées.
Au sol, Amygdale (2018) est composée d’une série de sculptures en bois, verre soufflé et fils de cuivre. Entre racines et bâtons de sourcier, cet ensemble renvoie par son titre à l’organe du corps qui participe aux défenses immunitaires, qui est aussi le siège de la mémoire émotionnelle du cerveau. Les mots sculptés Aer Bulla (2024) viennent clore le parcours, ils sont en suspension dans l’espace à l’image de cette bulle d’air et d’équilibre que l’artiste nous invite à trouver par une reconnexion profonde et radicale aux corps et aux émotions, individuels autant que collectifs.

Une œuvre de l’exposition, discrète et néanmoins centrale, évoque cette recherche permanente d’espaces pour le commun : Ayendoété (2020) est un mot sculpté en métal recouvert de cire d’abeille. Issu de la langue fang au Gabon, le mot renvoie au fait de prendre en compte la sensibilité de sa communauté, quand la cire produite par la ruche évoque la puissance productive du collectif.

Daria de Beauvais, senior curator au Palais de Tokyo à Paris
et Marie Cozette, directrice du Crac Occitanie à Sète.

Cette exposition est réalisée en co-conception et co-production avec le Palais de Tokyo. Elle est co-produite par AWARE : Archives of Women Artists, Research and Exhibitions dans le cadre du prix AWARE 2022, en partenariat avec DCA – Association française de développement des centres d’art contemporain.

Le Printemps du Dessin (20 mars-21 juin 2025)


L’ exposition de Myriam Mihindou s’inscrit dans le cadre du Printemps du dessin 2025.

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Myriam Mihindou, « Embody I (Voir) » (détail), série « Embody », 2017. Collection Laurent Saint Aubin – Courtesy de l’artiste & galerie Maïa Muller (Paris). Crédit photo : Bertrand Hugues © ADAGP, Paris, 2024.

Artiste exposé

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Vue de l’exposition « Praesentia », Myriam Mihindou, Crac Occitanie à Sète, 2025. « Praesentia », 2024, Tige d’aluminium ionisé, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), co-production Crac Occitanie et Palais de Tokyo. Photo : Aurélien Mole.

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Vue de l’exposition « Praesentia », Myriam Mihindou, Crac Occitanie à Sète, 2025. Au centre, « Les algues géantes II », 2022, Cuivre, racine de mangrove, soie, marques pages, plume, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), collection privée. De part et d’autre, de gauche à droite, de la Série « Le Patron », 2022 – 2024, Calques, papier de soie, thé, épingles, graphite, encre, fil, cuivre, scotch, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), co-production Crac Occitanie et Palais de Tokyo : « Aedes aurium, la chambre des Oreilles », 2024, « Infans », 2024, « Organe », 2024, « Les souffleurs de feuilles mortes », 2024. Photo : Aurélien Mole.

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Vue de l’exposition « Praesentia », Myriam Mihindou, Crac Occitanie à Sète, 2025. « Les algues géantes II » (détail), 2022, Cuivre, racine de mangrove, soie, marques pages, plumes, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), collection privée. Photo : Aurélien Mole.

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Vue de l’exposition « Praesentia », Myriam Mihindou, Crac Occitanie à Sète, 2025. « Videre », 2020, Cuivre, verre soufflé, fumée, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris). Photo : Aurélien Mole.

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Vue de l’exposition « Praesentia », Myriam Mihindou, Crac Occitanie à Sète, 2025. « Videre » (détail), 2020, Cuivre, verre soufflé, fumée, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris). Photo : Aurélien Mole.

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Vue de l’exposition « Praesentia », Myriam Mihindou, Crac Occitanie à Sète, 2025. De gauche à droite, de la Série « Le Patron », 2022 – 2024 : « Aedes aurium la chambre des Oreilles », 2024, Calques, fil, épingles, encre, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), co-production Crac Occitanie et Palais de Tokyo ; « Infans », 2024, Calques, papier de soie, thé, épingles, graphite, encre, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), co-production Crac Occitanie et Palais de Tokyo. Photo : Aurélien Mole.

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Vue de l’exposition « Praesentia », Myriam Mihindou, Crac Occitanie à Sète, 2025. De gauche à droite, de la Série « Le Patron », 2022 – 2024 : « Organe », 2024, Calques, épingles, graphite, scotch, encre, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), co-production Crac Occitanie et Palais de Tokyo ; « Les souffleurs de feuilles mortes », 2024, Calques, papier de soie, cuivre, thé, épingles, graphite, crayon, encre, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), co-production Crac Occitanie et Palais de Tokyo. Photo : Aurélien Mole.

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Vue de l’exposition « Praesentia », Myriam Mihindou, Crac Occitanie à Sète, 2025. De la Série « Le Patron », 2022 – 2024 : « Les eaux de pluie », 2024, Calques, papier de soie, cuivre, thé, carbone, épingles, fil, tissus imprégnés de thé, encre, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris). Photo : Aurélien Mole.

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Vue de l’exposition « Praesentia », Myriam Mihindou, Crac Occitanie à Sète, 2025. « Service », 2000 – 2024, Fourchettes, cuillères en argent et acier, terre crue, céramique, verre, quartz, carbone, émail, dimensions variables, courtesy de l’artiste et galerie Maïa Muller (Paris), co-production Crac Occitanie et Palais de Tokyo. Photo : Aurélien Mole.

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