Le Capital - (tableaux, diagrammes et bureaux d’études)

Exposition

Du 14 juillet au 10 octobre 1999

Commissariat : Nicolas Bourriaud

« Le capital se compose de matières premières, d’instruments de travail et de moyens de subsistance de toutes sortes qui sont employés a produire de nouvelles matières premières, de nouveaux instruments de travail et de nouveaux moyens de subsistance. Joutes ces parties constitutives sont des créations du travail, des produits du travail, du travail accumulé. Le travail accumulé qui sert de moyen pour une nouvelle production est du capital. (…) Le capital représente, lui aussi, des rapports sociaux. » Karl Marx

Capital : partie de la richesse utilisée en vue de la production. Le Larousse illustré.

Chacune des étapes de l’organisation du travail entraîne des changements clans les modes de production et d’échange, mais aussi dans les conditions et le statut de la propriété. Or, les conditions générales du travail entraînent avec elles la totalité des contrats sociaux, y compris celui qui lie I’artiste à son public dans le processus de représentation, car il existe un lien étroit entre les formes de la propriété et celles de la représentation : l’activité artistique est liée à un désir de maîtrise de l’environnement que la représentation cartographique manifeste avec évidence. Figurer le monde, c’est se l’approprier. Aux débuts du capitalisme industriel se généralise en Europe Ie principe de la libre circulation théorique du travail : puisque Ie travail est une marchandise, l’individu est libre en théorie de la vendre ou II veut, de même qu’il lui est possible - en droit - d’acquérir n’importe quel habitat. A ce moment-là, au milieu du dix-neuvième siècle, l’artiste s’émancipe enfin des Grands Sujets de la peinture d’histoire. Après le portrait de commande et la nature morte, il aborde les sujets de leur choix paysage de banlieue, scènes de café, toilette intime, cirque ou guinguette, la hiérarchie traditionnelle des sujets vole en éclats la force de travail symbolique de l’artiste se déplace désormais où bon lui semble.

La peinture moderne comme produit défectueux.

II n’existe rien de plus violemment étranger et de plus hostile au monde industriel que la « non-finition » c’est l’aspect inachevé des œuvres de Manet ou Cézanne qui scandalisa le public et la critique de leur temps. Un objet manufacturé ne saurait laisser des espaces vides, une béance l’artiste a intériorisé la division du travail, et s’éloigne de l’artisanat comme de l’usinage. Les impressionnistes ont mis en évidence les constituantes matérielles de l’œuvre en valorisant l’inachevé dans l’image, c’est-à-dire en produisant des objets visuels que la conscience du regardeur doit venir compléter.

L’art abstrait et la plus-value.

« Est-ce qu’il n’y a pas dans la représentation un moment où la plus-value joue ? Quand on reproduit la réalité, est-ce qu’il n’y a pas de la plus-value ? Est-ce que le concept marxiste de plus-value n’est pas une bonne arme pour lutter contre le concept bourgeois de représentation ? » (Jean-Luc Godard, « Premiers Sons anglais »).
Un art qui ne représente pas le réel, qui valorise les processus de transformation : l’art abstrait évacue la représentation figurative, au profit d’éléments purement plastiques (couleur et formes), ou de l’expression d’une subjectivité. Jackson Pollock, lui, reprend les principes de la production en série : au dessus de la toile posée sur le sol, une laque utilisée dans l’industrie automobile coule d’un pot perce, flot de peinture corrige par l’artiste a l’aide d’un bâton ou d’un pinceau. La position horizontale de la toile renvoie a la forme du plateau tournant de la chaîne de montage. Tel l’ouvrier qui n’y "fabrique" rien en propre, mais surveille et corrige le processus en cours, Pollock applique à la toile qui passe devant lui un traitement unique qui donne à chaque fois des résultats différents la peinture de Pollock introduit un dialogue possible entre la mécanisation et la liberté individuelle.

Art abstrait et abstraction économique.

« Pour moi, l’époque où tous ces systèmes artificiels de communication et de transport ont été mis en place a réellement été l’époque de l’art abstrait. Si bien que dans un Mondrian ou dans un Frank Stella, on trouve une description idéale de ce que seraient cette circulation et ce flux d’information et de moyens de transport, l’objectif de la circulation avait été atteint. Je crois que cela est réalisé dans le monde contemporain la géométrie est devenu le réel de notre uni-vers. »( Peter Halley : La crise de la géométrie et autres textes ).
Le Capital - ( tableaux, diagrammes et bureaux d’études ) est une exposition sur l’abstraction comment le système économique nous dessaisit progressivement de tout pouvoir de figuration du monde. Comment le commerce des signes est devenu un mode d’inscription dans le champ culturel. Agir, c’est aussi représenter quelque chose.

Le readymade comme propriété collective des moyens de production.

Avec le readymade, l’œuvre d’art ne relève plus de la subjectivité, qui est une propriété privée mentale Duchamp a tiré les leçons de ce « communisme de la pensée » initié par Lautréamont (La poésie doit être faite par tous…) et poursuivi par les surréalistes, en inventant un nouvel outil artistique. Le ready-made constitue, littéralement, une présentation il ne témoigne plus d’un savoir-faire privé ( lié a une habileté manuelle ), mais va dans le sens d’une mise en commun des moyens de production. Ne plus produire, mais choisir et cadrer. L’artiste montre ce qui a déjà été produit, et lui donne un nouveau sens. Cette « Nouvelle idée » attribuée à un objet de consommation courante est la seule propriété de l’artiste, car porte-bouteilles ou urinoirs sont des biens disponibles. Duchamp montre ainsi que les enjeux de la force de travail artistique se sont déplacés vers le cerveau, et que la représentation est désormais incorporée à la production de masse. Avec le readymade, la représentation se voit critiquée en tant que possible fondement d’une valeur d’échange. Le siècle donnera raison à Duchamp sur ce point, les produits de consommation sont désormais inséparables d’une image qui les constitue en produits ( packaging, publicité ) : le capital s’est tant accumulé qu’il en est devenu spectacle, comme l’a montré Guy Debord, et tout produit s’affirme avant toute chose comme la représentation intégrée d’une forme vide de l’échange. Collectiviser l’image des produits vers de nouveaux sujets.

II est frappant de constater le grand nombre d’artistes qui, aujourd’hui, viennent s’installer sur le terrain des agences de communication et des annonceurs. Mais ceux-ci ne sont-ils pas les principaux fournisseurs d’images contemporains ? Swetlana Heger & Plamen Dejanov s’approprient ainsi contractuellement l’image publique de BMW, et déplacent dans les lieux d’expositions un processus de constitution de l’image jusque là réservé à des professionnels. Le travail de Heger & Dejanov, qui se développe en fonction des partenaires économiques et des emplois qu’ils peu-vent occuper, constitue une image subversive de la flexibilité du travail salarié, et une approche originale de l’échange. Daniel Pflumm s’empare lui aussi d’une image privée : la vidéo AT&T découpe le logo et les activités de la firme de télécommunications en une série de séquences allant du dessin animé au clip et au court-métrage : l’entreprise comme sujet d’un travail.

Le diagramme, une capture de flux.

Le diagramme est un référent possible pour de nouveaux processus picturaux, une sorte de for-mule énergétique. En 1986, les peintres de la Neo-Geo, parmi lesquels John Armleder et Peter Halley, se réclamaient déjà d’une « abstraction diagrammatique » apte à saisir les flux de pouvoir et d’information. Les AC/DC snakes de Philippe Parreno, le diagramme des participations croisées des entreprises européennes par Bonaccini, Fohr et Fourt, les schémas par lesquels Pierre Joseph matérialise son économie de l’apprentissage individuel, les passages de câbles et de connections que peint Miltos Manetas ou les réseaux du Cercle Ramo Nash décrivent tous un même environnement de flux, de branchements aléatoires. « Le capitalisme, écrit Jean-Francois Lyotard, pose ses problèmes en termes d’énergie et de transformation d’énergie : transformation de matières, transformation d’appareils, production d’appareils, force de travail, manuelle, intellectuel-le. II y a donc une espèce de polymorphie de cette énergie du moment que c’est échangeable, métamorphosable, selon la loi de la valeur, tout est bon et tout entre. » Et Lyotard de comparer cette polymorphie à celle de l’art moderne : l’institution picturale est dissoute, transfusée un peu partout l’afflux énergétique l’a sortie de son champ historique. Les artistes réorganisent les branchements.
Sarah Morris connecte l’abstraction géométrique et le pop art sur des zones de pouvoir économique (Midtown) les immenses panneaux de Michel Majerus vident de leur substance les dispositifs scénographiques du supermarché mondial ; les impasto de John Miller figurent l’économie capitaliste comme un flux excrémentiel ; Bertrand Lavier découpe la signalétique urbaine pour la déverser sur la mémoire de l’art moderne, traduisant le blanc d’Espagne des chantiers ( Rue Louise Weiss ), ou les marquages au sol des terrains de sport, dans un idiome constructiviste - opération de transfert, d’import-export du signe.

Le commerce supplante la production.

Pour le discours économique, écrit Michel Henochsberg, « la sphère de la circulation s’assimile a l’espace du soupçon. Le développement des forces productives incarne le ben sens dune économie bienfaisante, alors que la plage des échanges et des monnaies abrite tous les dérèglements et faux pas d’une activité qui serait saine, s’il n’y avait les excès aléatoires des acteurs de ce niveau, marchands et financiers. » Pour la pensée marxiste comme pour le dogme catholique, la production représente le bien, tandis que le négoce incarne le mal, le monde des apparences et du faux. Le marchand est l’étranger, l’errant, le camelot qui vient de lointaines contrées pour faire intrusion dans la communauté homogène. L’art contemporain reproduit les structures de ce préjugé idéologique, et pâtit d’une même mauvaise réputation : le fabricant d’images rassure, à mesure qu’effraie celui qui les négocie, les duplique eu en fait commerce, dans Ie sens ancien du terme. La marge du commerçant est objet de scandale, car on la considère comme un bénéfice indu : la plus-value, figure emblématique de l’exploitation du producteur selon Marx, le capital naît de la plus-value du travail de l’ouvrier. Lorsque Marcel Duchamp présente un porte-bouteilles et la signe en tant qu’œuvre d’art, la plus-value est à son maximum le changement de statut de l’objet modifie radicalement sa valeur. L’artiste s’apparente alors au commerçant, et l’opération artistique s’effectue dans la marge qui la sépare de la valeur d’usage. L’art bascule alors du côté du commerce, du côté de la négociation avec le regardeur, du contrat visuel. Échange d’images contre de la valeur : Heger & Dejanov. Arrangement de produits culturels issus de la mémoire moderniste dans un espace duty-free : John Armleder. Troc permanent, prise d’actions et jeux sur les mouvements de capitaux : Mathieu Laurette. Vente à l’étal de signes : Bertrand Lavier ( d’autre part, le blanc d’Espagne est généralement le résultat d’une pause de l’activité commerciale ). Produits personnalisés : Pierre Joseph. Produit d’appel : la Zone de gratuité de Bonaccini, Fohr & Fourt. L’espace de l’échange prend le pas sur celui de la production, et l’artiste produit des relations au monde à partir d’objets préexistants qu’il dispose dans un cadre inventé.

Tableaux.

Le tableau évide notre environnement formel, il en dresse la carte ou en dévoile les structures. Stéphane Dafflon s’inspire du graphisme des flyers nu du logo d’une société, signes flottants recomposés sur une toile General ldea reproduit le logo de Marlboro ou de la carte Visa à l’aide de pâtes alimentaires ; ArmIeder peint la barre horizontale de Chanel sur un fond noir ; Manetas représente des fragments d’objets familiers, computers ou vêtements, qui traînent sur le sol de l’appartement encombré de fiIs électriques ; John Miller photographie des plateaux de jeux télévisés et en efface toute présence humaine a la palette graphique Sarah Morris cadre les façades des immeubles de grandes entreprises, mettant en évidence la géométrie du pouvoir. Le vocabulaire pictural moderniste permet de décrypter l’ordre actuel des choses l’expérience urbaine a rejoint les intuitions des modernistes. Post-scriptum : La peinture est un outil, pas une cause.
L’activité picturale permet-elle aujourd’hui l’émergence de nouveaux modes de pensée ? A l’heure on la télévision nous abreuve d’images à consommer sur place, au moment où les nouvelles technologies offrent de nouveaux modes de constitution du savoir, la question mérite au moins d’être posée. Et ma réponse, on l’aura compris, est positive. Cela dit, il est fort étonnant, et tout aussi lamentable, qu’on n’envisage aujourd’hui la peinture contemporaine qu’en fonction du paradigme de son retour : selon les critiques, la peinture "revient", ou elIe n’est pas. Au début des années 80, elle serait "revenue" ; aujourd’hui, la voilà "morte", "en crise" ou menaçant de "revenir" de nouveau. En d’autres termes, le discours pictural est hégémonique la peinture doit occuper tout l’espace, ou jouer la comédie de sa disparition. Viendrait-il à l’idée des intégristes de la toile de lin qu’il est des manières plus fines d’aborder l’actualité artistique, et que ce n’est pas la peinture dans sa totalité qui nous intéresse, mais les artistes capables d’en produire d’intéressantes ? La peinture selon Jean-François Lyotard : « un branchement de libido sur de la couleur. » Point. II est ainsi tout aussi absurde d’écrire un article sur la peinture que d’écrire un texte sur l’art vidéo, puisqu’il n’y a ni art vidéo ni peinture, mais des artistes qui produisent une relation au monde en utilisant différents media et processus. Je me situe ici dans la tradition d’ Ernst Gombrich, expliquant qu’ « il n’y a pas d’art, ii n’y a que des artistes ». Les problèmes de cette Iégendaire entité nommée "Peinture" proviennent ainsi sans doute des artistes qui la fétichisent, faute de savoir en faire quelque chose et de l’utiliser comme un outil de connaissance, et des critiques qui la célèbrent par goût, incapables qu’ils sont de délaisser ce goût pour accéder à une quelconque zone d’intelligibilité. Défendre La Peinture, voila le degré zéro de la critique ; mais attendons le premier imbécile qui se piquera de défendre l’installation pour que notre hilarité soit complète.

À propos des œuvres exposées

Léonore Bonanccini, Andréas Fohr, Xavier Four - objets achetés - objets volés - objets donnés - objets trouvés - objets empruntés

La zone de gratuité Free Land met à disposition des biens abandonnés par des personnes physiques ou morales. La gratuité de ces biens peut concerner à la fois leur distribution, leur usage et leur style, des rapports entre des personnes sous la modalité d’ "unmotivated bebavior". La gratuité de ces rapports se manifeste par leur caractère désintéressé, leur fortuité, leur frivolité, leur caractère accidentel ou leur inachèvement.- des productions effectuées par des personnes physiques ou morales, et notamment par des artistes.- des idées et des données sur les expériences passées et présentes de mise à disposition gratuite ou réciprocitaire ( don / contre-don ) de biens, de services, d’actions ou de moyens de production.

Benevéniste Don et échange dans Ie vocabulaire indo-européen, in Problème de linguistiques générales, Paris, Gallimard, Tome 1,1966, p.315-326.Wilfried R. Bion, Entretiens psychanalytiques, Gallimard (1974), 1980 - Luc Boltansky, La justice et la miséricorde, comme compétences,Trois essais de sociologie de l’action, Paris, Minuit, 1969. - Claude Bruaire, L’être et l’esprit, coll "Epiméthée", Paris, PUF 1983Alain Caillé, Critique de la raison utilitaire, Paris, La Découverte, 1989 - COLLECTIF, L’Éthique du don.Jacques Derrida et la pensée du don, Colloque de Royaumont décembre 1990, Essais réunis par Jean-Michel Rabaté et Michaël Wetzel, Paris, Métailié-Transition, 1992 - Jacques Dewitte, La donation première de l’apparence, de l’anti-utilitarisme dans le monde monde animal selon A. Portmann, revue du M.A.U.S.S., La découverte, 1993 - Free SoftwareFoundation, 59 Temple Place 330, Boston, MA 02111, US - Jacques T Godbout, L’esprit du don, en collaboration avec Alain Caillé, Ed La Découverte, 1992 - Cyrille Harpet, Du déchet : philosophie des immondices, corps, ville industrie, L’harmattan,1998 - Anne Gotman, Dilapidation et prodigalité, Nathan, 1995Kant "Qu’est-ce qu’un livre ?" PUF, 1995 p.47 - Dominique Méda, Le travail, une valeur en voie de disparition, Aubier, Paris,1991 - René Péllerin, L’acte gratuit dans l’expérience morale, contribution à une étude rationnellede la relation humaine, thèse de lettres de Strasbourg, Juin 1973. - E. Rigal, Y-a-t’il une phénoménologie wittgensteinienne , in La phénoménologie aux confins, TER 1992 - Jean-Claude Sagne, La loi du don, Lyon Presses Universitaires de Lyon , 1998 - Nancy Scheper-Hugues, Mourir en silence, Actes de la recherche en sciences sociales Sept. 1994 - Max Weber, Économie et société, t.1,PlonWittgenstein, Cours de Cambridge 1932-1935, T.E.R - Wittgenstein, Remarques philosophiques, TEL, Paris - Wittgenstein, Fiches, Gallimard, Paris - Wittgenstein, Remarque sur les fondements des mathématiques, Gallimard, 1983.

La gratuité se manifeste dans ces déplacements par Iesquels, anonymement, ça transite sans s’échanger, cela passe sans être partagé. Par le partage, l’échange, les différentes modalités des transactions instituent a la fois Ie lien social, la valeur, la mesure gracieuse ou comptable et la commensurabilité des phénomènes : or, rien de ce qui est gratuit ne peut être comparé, se répéter, être mis en série ; rien non plus qui puisse s’inscrire dans le système de coordonnées anthropologiques instituant des différences de valeurs significatives dans l’espace environnant ( gauche / droite, haut / bas, etc.) la gratuité est une étoffe neutre… La gratuité n’a pas de sens. Elle est fondement non fondé, c’est-à-dire aussi qu’elle caractérise ce qui est sans ancêtre, sans filiation, sans précédent, sans inscription, sans mémoire.
Elle détermine donc un lieu paradoxal, ni identitaire, ni relationnel, ni historique. À la toute-puissance de l’échangeabilité et de l’équivalence générale des êtres, des signes et des choses, la gratuité répond par le non-sens, l’inutilité elle dilapide le concept de propriété et d’identité c’est-à-dire aussi, de l’auteur, de la limite. Elle est le fait d’agrégats anonymes et sans territoires, sans comptes et sans bilans. Et, de cette façon, elle tient du bruit ( plutôt que du discours ), de l’informe ( plutôt que du figurable ), du flou ( plutôt que de la classe et du classement ), de l’absence de motif et de cause n’est-ce pas là, ce qui caractérise la part des sans-parts ?
Gratuit est en ce sens, ce qui à la fois porte à son comble la déchéance par laquelle un être ( ou une chose ) est sans statut, exploité ( travaille, par exemple, sans être payé ), n’est plus même propriétaire de lui-même - "c’est le sort des pauvres. Ils ne sont pas propriétaires de leur propre corps". Mais, gratuit est aussi ce qui hypostasie le potentiel et le virtuel, le "dehors", l’inattendu. La gratuité n’est donc pas seulement un état ( être sans valeur, sans fonction, ne plus devenir…), mais également, un processus - mouvement de perte de valeur par lequel un bien ou une relation entre progressivement dans l’utopie des déchets et de la déchéance ( ce que personne ne veut être, ou avoir ; être de ceux qui ne valent rien ), dans les limbes de ce qui n’est pas ( du non perçu ) et dans l’utopie de l’inconditionnel universel ( ce que tout le monde peut prendre, ce que tout le monde peut être et peut devenir ).
En ce sens, la gratuité résiste a la rationalisation administrative et marchande des conditions de vie.

Syndicat potentiel

Liam Gilick
An attempt to match the colour of liquid Coca Cola leaving test marks on the wall. The act reflects a reference to a passage in the book BIG CONFERENCE CENTRE.

Dimensions variable, although it is probably a good idea to start with yellow, red, blue and white paint and a brush that is at least of 2.5cm width and to make a sequence of single brush marks on the wall. Keep going until you are happy with the colour match.Try not to make a painting, but dont forget to produce something worth looking at. (courtesy Lionel Bovier and Christophe Cherix and Galerie Air de Paris) Playing Simm City on a plane makes some sense. Richard Branson, the owner of Virgin Atlantic airlines claims a form of dyslexia pre-vented him from a glittering academic career. And we are all encouraged to empathise with his continued habit of working from home and dress-ing down for the customer. His communication is verbal and his interest in the details of financial accounting is apparently vague. The key to exer-cising power within the terms of the capitalist entrepreneur is seen to be closely linked to the creation of an image of control that is unencum-bered by attention to detail. Risk and decision making are key to a certain form of economic power that sees development and speculation at the heart of success. The centre of Berlin is now semi-planned and semi-speculated. Planning versus speculation was the great power struggie of the Twentieth Century. The five year plan against the potential of entrepreneurial risk. Steve Jobs of Apple Computer knows these games well. He remains only acting chair of the candy-coloured computer company. He is aware of the fact that to assume complete control would remove the threat of his potential absence. He retains a rather contemporary posi-tion of fence-sitting, half in and half out. Always free to leave and not bound by a commitment to be judged as the absolute boss. As such Apple are now perceived to be successful once more, with the appllcation of power manifest through ambiguity of role and potential to up and go at a moments notice. It is the desire to avoid a partic-ular structure of judgement that is interesting in this case. Removing the process of assessment and reward that normally limits power and offering services on a day to day basis.Revolutionary gestures used to be played out against monolithic power structures. Just after the falI of the Berlin wall and the break-up of the Soviet Union a new advert for Smirnoff appeared on British television.A group of revolutionaries are seen storming into a building and up the stairs. They look from room to room and generally sack the place. In one grand state-room an Imperial representative sits drinking Smirnoff, enjoying the last moments of privilege. As the Red Guard arrive, he is torn from the chair and a revolutionary takes his place. As soon as the communist assumes the seat and takes hold of a glass of Vodka he sits back and places his feet on the table to enjoy the fruits of class struggle. Immediately a second wave of revolutionaries enter the room. They in turn tear the proletarian from his assumed seat, and one of the new wave now takes the chair and bottle of Vodka in his place. The implication is that this process is endless. A sequence of assumption of power and the implication that once the symbol of power is picked up then it becomes impossible to distinguish the revolutionary from the Imperialist oppressor. A demonstration of the sti-fling logic of capitalism to assume success by default. A challenge from the power of relativism to the struggle against injustice. All this in order to selI indifferent Vodka. The assumption of cor-ruption is central to the transfer of power. Constant vigilance is expected and maybe nec-essary to prevent the Smirnoff cycle. Yet it remains undear whether the necessary moral and ethical indignation remains in order for such checks and balances to retain currency.

Britain has had two major miners strikes since the early Seventies.

The first was seen as a great victory for the work-ers with their well organised domestic and indus-trial power cuts acutely symbolising the strength of a mass movement to improve pay and conditions. The second strike occurred during the Thatcher years. This time the government and the police were ready. No power cuts this time as the miners were goaded into action in Spring when coal stocks were high. The break-down of mining communities all over Britain was accom- panied by an ideologically motivated desire to see the end of large scale production and manu- facturing in Britain in favour of opportunistic "efficiency".-The power-cuts that were forced ten uears earlier in the first strike were the ultimate tool of the miners. By withholding supplies from the power-stations they could nightly demon- strate their collective hold over the nation. In the Eighties, supply was maintained and supple- mented from elsewhere.The courts were used to outlaw strike activity and to sequester the assets of the unions. It was a difference of approach equivalent to comparing the strategies around Watergate and the activi- ties of Kenneth Starr. The abuse of power result- ing from covert dealing mutating into a quasi- open policy involving the employment of legal tools to challenge the actions of a political rival. No more bugging, but a lot of briefs. Attempts to exercise political power through the ever expand- ing legal field. With the cultural relativism of our post-utopian situation there are manu loyers of action, all of which may represent struggles for power.There was an artist known for the varied and eccentric nature of bis cultural production. While no-one could precisely pin-down his work, he was still invited to take part in many exhibitions during the late 1960s and early ?Os alongside contemporaries whose work could be more easily slotted into precise categories. As the years went by his work became more and more vague and aesthetically out of focus in relation to the work of others apparently more closely tied to the concerns of the dau. One set of work was particularly off-beam. One of the pieces in the series was weaker and vaguer than the rest. Yellowish paper with another small bit of paper half-heartedly stuck tac it. The thing ended up in the bedroom of a sympathetic friend with an inquisitive child. The child was intrigued by the work and on a rare visit by the artist eagerly enquired of the meaning and ideas in the work. Simple" the artist replied, "It’s a protest against The Vietnam War."
Liam Gillick, 1999.

Miltos Manetas
"Je voulais réaliser des portraits des figures de la haute société actuelle, les princes et les princesses de notre temps. Mais cette haute société n’existe plus, au profit d’une haute société des machines. C’est l’ère de Powerbook et de Quick Take. (…) Curieusement, travailler avec des ordinateurs a renvoyé mon attention sur la peinture à l’huile. Parce que la peinture à l’huile est une invention, une machine. (…) La tempera et la peinture à l’huile ont été à la disposition des hommes depuis le début. Dans les cavernes, il y a des signes sur les parois, mais quand vous essayez d’effacer quelque chose sur le mur, vous n’y parvenez jamais réellement. La marque préliminaire laisse toujours un signe de sa présence. Avec la peinture à l’huile, si vous souhaitez changer quelque chose, il est possible de la changer entièrement. L’huile est comme la mémoire de l’ordinateur."

"I wanted to make portraits of the high society figures of the times, the princes and princess of our times. Princes and princesses have fallen from grace, of course, and so we don’t have high society anymore, but high society machines. This is the age of Power Book and the age of Quick Take. (…) In a strange way, working with computers turned my attention back to oil painting. Because oil painting is an invention, a machine. (…) Tempera and oil painting had been around humans from the beginning. In the caves, there were signs on the wall. But when you try to cancel or erase something on the wall, you can never really cancel it. The previous mark always leaves a trace of itself. When you work out with oil, you can really cancel it out totally. Oil is like the memory of a computer."

John Miller
think that in terms of the excremental motif, in relation to capitalism, the most concise quote is one of Marx : that the greatest works of art equals so many tons of manure… I mean, that is very brief, but it captures one of the problems in creating and setting values, the contradictions that occur with exchange values. It is adressed in the choice of my motive. interview with John Miller in « 241 » (1993)

John Miller - SON OF MID-LIFE CRISIS - 1993 - mixed media

Sarah Morris
Le travail de Sarah Morris est préoccupé par le décodage du milieu bâti. En se concentrant sur ​​l’expérience urbaine, elle explore les techniques de communication - les relations entre les signes et les symboles et leurs référents dans le monde physique. Comme une exploration de la conversation élaborée entre l’architecture et la puissance, les peintures et les films de Sarah Morris se complètent et se connecter à un autre. Générer un retour et-vient constant jouer entre les deux médias, cette dualité est un élément clé de sa pratique. Morris décrit ses films comme des « manifestes condensés » pour les tableaux - ils sont un recueil d’images et de situations qui pourraient servir de source visuelle et la complexité psychologique dont les peintures commencent et abstraitement évoluent.

Sarah Morris

Philippe Parreno
Philippe Parreno travaille beaucoup sur le décalage entre les différentes formes de représentation des images, entre réalité et fiction, à la frontière des deux… Comme pour mettre en tension ces deux possibles, et mieux détourner leur sens caché.

Philippe Parreno

Une transition à partir de l’abstraction, à l’intérieur de laquelle on aurait à construire une nouvelle société, vers les gens que je touche,avec lesquels je fais quelque chose et qui me touchent.Une perception du monde, pas une représentation.On doit être à l’intérieur d’un système pour s’y opposer et créer une alternative.Cette alternative n’est pas matérialiste : « Renault ne produit pas des voitures, mais des relations entre les gens. »(Robert Linhart, L’Établi)

Le temps est un espace.
On se retrouve devant une complexité, un réseau schizophrénique de relations (internet). La proximité, une idée sociale. L’individu comme nageur — dans une société collante.

A transition from abstraction, inside which you have to construct another society, towards the people I touch, with whom I do something, and who touch me.A perception of the world and not a representation. You have to be inside a system to oppose it and create an alternative.This alternative is not materialist : « Renault don’t produce cars, but relations between people »(Robert Linhart, L’Établi)

Time is a space.
You end up with a complexity, a schizophrenic network of relations (Internet).Proximity as a social idea.Individuals as swimmers— in a sticky society.

Swetlana Heger & Plamen Dejanov
Nouvellement sortis de l’ère communiste, les deux artistes exploitent pleinement sans détour et sans état d’âme, les tout récents potentiels du système capitaliste qui s’offre désormais à eux.
Ils créent en fonction de la capacité d’échange de biens qu’ils pourront négocier avec leurs partenaires. La marchandise exposée comme objet d’art devient ainsi objet adulé. Par cette technique d’exhibition de leurs propres biens gagnés grâce au système de l’offre et de la demande, S. Heger et P. Dejanov démontrent qu’ils ne dépendent aucunement du marché mais qu’ils l’intègrent à bon escient comme élément constitutif de leur production artistique, tout en ironisant sur les mécanismes du libéralisme.
Le travail des artistes est économiquement improductif, selon eux, la pratique artistique est un empire dans l’empire dans l’économie de l’art. Leur démarche artistique analyse la situation de l’artiste et du marché de l’art en interrogeant les liens existants entre l’art et son économie. C’est ainsi qu’ils interceptent le fonctionnement du mécénat privé pour l’intégrer comme élément constitutif de leur production.

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Vue de l’exposition « Le capital - (tableaux, diagrammes et bureaux d’études) », Crac Languedoc-Roussillon, Sète, 1999. Sarah Morris, « Modtown-Condé Nast », 1999, courtesy White Cube Gallery, Londres, Swetlana Heger, « The Quite Normal Luxury », 1998, courtesy Galerie Air de Paris, Paris, Plamen Dejanov, « The Quite Normal Luxury », 1999, courtesy Galerie Air de Paris, Paris, Cercle Ramo Nash, « Mandala Euro Disney », 1995 et Michel Majerus, Sans titre, 1999, courtesy Neugerriemschneider Gallery, Berlin. Photo : Pierre Schwartz.

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Vue de l’exposition « Le capital - (tableaux, diagrammes et bureaux d’études) », Crac Languedoc-Roussillon, Sète, 1999. General Idea, « Test Pattern Wallpaper », 1989, courtesy Galerie Montenay-Giroux, Paris. Photo : Pierre Schwartz.

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Vue de l’exposition « Le capital - (tableaux, diagrammes et bureaux d’études) », Crac Languedoc-Roussillon, Sète, 1999. Michel Majerus, « Liebt Euch 2 », 1999, courtesy Asprey+Jacques Gallery, Londres et Matthieu Laurette, « Le spectacle n’est pas terminé », 1998, courtesy Galerie Jousse-Seguin, Paris. Photo : Pierre Schwartz.

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Vue de l’exposition « Le capital - (tableaux, diagrammes et bureaux d’études) », Crac Languedoc-Roussillon, Sète, 1999. Liam Gillick, « A l’intérieur maintenant nous marchons dans une salle avec des murs aux couleurs de coca cola », 1998, collection JRP, Genève, Bertrand Lavier, « Rue Louise Weiss#12 », 1999, courtesy Galerie Daniel Templon, Paris, Philippe Parreno, « AC/DC Snake # 2 », 1998, collection Eric Decelle, Bruxelles et « AC/DC Snake # 3 », 1998, collection D. Krzentowski, Paris et John Miller, « Son of Mid-Life Crisis », 1993, courtesy Art et Public, Genève. Photo : Pierre Schwartz.

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Vue de l’exposition « Le capital - (tableaux, diagrammes et bureaux d’études) », Crac Languedoc-Roussillon, Sète, 1999. Swetlana Heger et Plamen Dejanov, « The Quite Normal Luxury », 1999, courtesy Galerie Air de Paris, Paris. Photo : Pierre Schwartz.

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Vue de l’exposition « Le capital - (tableaux, diagrammes et bureaux d’études) », Crac Languedoc-Roussillon, Sète, 1999. Léonore Bonaccini, « Parlement », 1999, Andréas Forh, « Parlement », 1999, Xavier Fourt, « Parlement », 1999, Philippe Parreno, « AC/DC Snake # 1 », 1998, collection Philippe et Denise Durand Ruel, Paris et Sarah Morris, « Midtown-Revlon Corporation », 1998, courtesy White Cube Gallery, Londres. Photo : Pierre Schwartz.

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Vue de l’exposition « Le capital - (tableaux, diagrammes et bureaux d’études) », Crac Languedoc-Roussillon, Sète, 1999. Stéphane Dafflon, Sans titre, 1998. Photo : Pierre Schwartz.

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Vue de l’exposition « Le capital - (tableaux, diagrammes et bureaux d’études) », Crac Languedoc-Roussillon, Sète, 1999. Pierre Joseph, 1999, « La ligne qui s’accorderait à mes désirs » et « Projet de dictionnaire-couverture » et Miltos Manetas, Sans titre, 1999, courtesy Galerie Almine Rech, Paris. Photo : Pierre Schwartz.

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Vue de l’exposition « Le capital - (tableaux, diagrammes et bureaux d’études) », Crac Languedoc-Roussillon, Sète, 1999. Bertrand Lavier, « Composition en quatre couleurs », 1999 et Matthieu Laurette, « Le spectacle n’est pas terminé », 1998, courtesy Galerie Jousse-Seguin, Paris. Photo : Pierre Schwartz.

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Vue de l’exposition « Le capital - (tableaux, diagrammes et bureaux d’études) », Crac Languedoc-Roussillon, Sète, 1999. Pierre Joseph, « Projet de dictionnaire-couverture », 1999. Photo : Pierre Schwartz.